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Découverte de montagnes dans les profondeurs de la Terre

today24 février 2019 25

Arrière-plan
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Juin 1994 : la Bolivie est frappée par un important séisme de magnitude 8,2, a une profondeur de 647 km sous la surface de la Terre ! Il s’agit du deuxième plus puissant séisme de profondeur (au delà de 300 km) jamais enregistré après celui de 8,3 en mai 2013 dans la mer d’Okhotsk (Russie). Les puissants tremblements de terre peuvent être une catastrophe majeure pour les populations touchées mais une aide précieuse pour les géologues et physiciens qui scrutent les profondeurs de la Terre.

Explications : un tremblement de terre se caractérise par l’émissions d’ondes sismiques qui parcourent notre planète en surface mais aussi en profondeur. Maintenant qu’elles sont bien suivies et enregistrées, les chercheurs peuvent les étudier pour déceler des singularités dans le chemin qu’elles empruntent. En effet, les ondes sismiques traversent sans encombre des roches homogènes mais se réfléchissent ou se réfractent dès qu’elles rencontrent une limite ou une rugosité.

Or, les séismes massifs sont particulièrement intéressants car leurs ondes de choc émises dans toutes les directions peuvent littéralement traverser notre planète et être détectées à l’antipode du foyer. Ainsi, ce sont les tremblements de terre de magnitude supérieure à 7 qui sont les plus recherchés par les scientifiques. Epaulés par un réseau dense de sismographes et des supercalculateurs, ils peuvent étudier et simuler le comportement complexe de la diffusion des ondes dans notre planète et ainsi affiner la description des différentes couches internes de la Terre.

Sous la croûte terrestre (croûte continentale ou croûte océanique), le manteau supérieur est séparé du manteau inférieur par une zone de transition appelée aussi « limite des 660 km » à environ 660 km de profondeur. Cette couche divise le manteau, qui représente environ 84% du volume de la Terre, en parties supérieure et inférieure. Pendant des années, les géoscientifiques ont débattu de l’importance de cette frontière. En particulier, ils ont étudié la façon dont la chaleur se déplace à travers le manteau.

C’est en scrutant cette discontinuité, grâce aux ondes sismiques, que les chercheurs ont découvert avec étonnement une zone très rugueuse avec une alternance de zones visqueuses et de plaques rigides, ces dernières constituant de véritables chaînes de montagnes allant jusqu’à 3,2 km de hauteur. « Notre modèle statistique ne permet pas de déterminer l’altitude avec précision, mais il est possible que ces montagnes soient plus grandes que tout ce qui se trouve à la surface de la Terre », explique la sismologue Jessica Irving, co-auteur de l’etude. « Autrement dit, la limite des 660 km est plus forte que celle des montagnes Rocheuses ou des Appalaches », a déclaré Wembo Wu, co-auteur de l’étude et étudiant en sismologie.

Cette rugosité n’était pas également répartie. De même que la surface terrestre présente des fonds marins lisses et des montagnes gigantesques, la limite des 660 km présente des zones rugueuses et des zones lisses. Les chercheurs ont également examiné une couche située à 410 km au-dessous de nous, au sommet de la « zone de transition » située au milieu du manteau, sans trouver une rugosité similaire.

Les sismologues émettent l’hypothèse que ces chaines de montagne pourraient être des reliquats des plaques océaniques qui s’enfouissent dans le manteau à la faveur de la subduction. Wu et Irving suggèrent donc que les restes de ces plaques tectoniques pourraient maintenant se trouver dans cette zone de transition : « Il est facile de supposer, étant donné que nous ne pouvons détecter que les ondes sismiques traversant la Terre dans leur état actuel, et que les sismologues ne peuvent pas comprendre comment l’intérieur de la Terre a changé au cours des 4,5 milliards d’années écoulées », a déclaré Irving.

Au final, « les couches profondes de la Terre sont aussi compliquées que ce que nous observons à la surface », a indiqué Christine Houser, sismologue et professeure assistante au Tokyo Institute of Technology, qui n’a pas participé à cette recherche.

Cette découverte bouleverse notre vision des profondeurs de la Terre où l’on imagine une succession de roches compactes, plus ou moins fluides. La présence d’une telle topographie à 660 km sous terre a des implications importantes pour comprendre comment notre planète s’est formée et continue de fonctionner.

C’est aussi dans cette zone de transition que de gigantesques réservoirs d’eau, au moins trois fois plus volumineux que les océans en surface, ont été décelés grâce à l’étude des ondes sismiques.

Ajoutons à cela ces vestiges des anciennes plaques tectoniques terrestres désormais englouties dans le manteau et notre imagination fertile peut facilement façonner un monde perdu et enfoui avec des lacs, des montagnes et même des formes de vie qui pourrait s’y être développées comme dans le célèbre roman de Jules Verne, « Voyage au centre de la Terre ».

Mais ces divagations exaltantes sont vite rattrapées par la réalité : à de telles profondeurs, les températures atteignent au moins 1 000 °C et que la pression est 200 000 fois plus forte celle que nous connaissons en surface…

Écrit par: radio_pulsar

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