Le sismomètre SEIS vient d’être déposé sur le sol de la planète Mars par l’atterrisseur InSight. Il va pouvoir fonctionner. L’opération a duré quelques dizaines de minutes mercredi 19 décembre, pendant la 22e journée martienne de la mission. Avec d’énormes précautions, la pince ou grapin (grapple en anglais), jusque-là fixée au bout du bras robotique et installée à l’extrémité d’un câble en acier d’environ 15 cm de long, a été libérée, puis est venue saisir l’instrument le 16 décembre. Les télécommandes de déploiement ont ensuite été envoyées le lendemain. SEIS a été soulevé depuis le pont de l’atterrisseur pour être amené très lentement jusqu’au sol, en tirant derrière lui son câble blindé, relié à un boîtier électronique resté, lui, bien « au chaud » sur l’atterrisseur. SEIS a été déposé à environ 1,60 m devant l’atterrisseur.
Début janvier, SEIS sera recouvert par son bouclier de protection contre le vent et les basses températures (Wind and thermal shield en anglais), un large dôme blanc équipé de 3 pieds et d’une jupe de protection en cotte de maille qui épousera parfaitement le relief du sol. Fin janvier, SEIS sera rejoint par la sonde allemande HP3 dont le ruban équipé de thermomètres doit s’enfoncer dans le sol jusqu’à 5 m de profondeur. Après ça, les ingénieurs et chercheurs du JPL, du CNES, et de la communauté scientifique française de SEIS, pourront tester et régler le sismomètre, afin qu’il puisse commencer sa longue vie martienne en enregistrant les moindres soubresauts de la planète : activité sismique, impacts météoritiques… L’objectif étant de mieux de comprendre la structure interne de Mars.
Le sismomètre SEIS est basé sur un instrument hybride de six axes composé :
*d’une sphère comportant trois capteurs sismiques très large bande (Very Broad Band – VBB) et leurs capteurs de température,
Instrument SEIS pour la mission NETLANDER dans sa sphère – Crédits IPGPde trois capteurs sismiques courtes périodes (Short Period – SP) et leurs capteurs de température,
*d’une boîte électronique d’acquisition (e-box : SEIS AC, SEIS DC/DC, ASICS) et les cartes de contre-réaction des capteurs VBB, SP et du système de déploiement MDE,
*d’un système de déploiement (DPL),
*d’un logiciel (S/W).
Sa masse est d’environ 3 kg. Sa consommation varie autour de 1W selon les modes. Les principales performances du sismomètre SEIS sont :
VBB -9 m.s-² Hz-½ de 10-³ jusqu’à 10 Hz
SP < 5 10-8 m.s-² Hz-½ de 10-² jusqu’à 100 Hzx
La sphère abrite les capteurs VBB (ou sismomètres longue période). C’est la « partie noble » de l’instrument. Elle comporte des servitudes pour permettre le meilleur fonctionnement possible des capteurs VBB
Elle intègre un écran thermique et des plots torlon pour réduire au maximum les variations de températures des sismomètres
Elle maintient les capteurs sous vide
Elle contient des capteurs de températures (Housse Keeping – HK) et des inclinomètres permettant l’exploitation des données mesurées par les VBB.
Les capteurs large-bande (VBB) sont des pendules obliques.
Son fonctionnement est assez simple. Le ressort et le poids du pendule s’équilibrent parfaitement. Lorsque le sol bouge, le pendule se met en mouvement. Ce mouvement est capté par le capteur DCS. Le mécanisme d’équilibrage permet d’ajuster l’équilibre du pendule aux conditions d’utilisation réelles (gravité mal connue, défaut de nivellement, influence de la température sur l’équilibre du pendule). Le pivot doit permettre la rotation de la partie mobile autour de son axe sans exercer le moindre frottement.
Le capteur de déplacement est constitué d’électrodes placées sur la partie fixe et sur la partie mobile. Les caractéristiques électriques de l’ensemble ainsi constitué (la capacité) forment une image de la position de la partie mobile du capteur.
L’électronique de proximité permet de transformer ces caractéristiques en une tension facilement mesurable. C’est cette tension qui est transmise à l’électronique d’acquisition. La bobine de contre-réaction permet l’asservissement du pendule pour en améliorer les performances (augmentation de la bande-passante). L’intensité qui parcourt la bobine est délivré par la carte de contre-réaction « SEIS-FB » située dans l’e-box. Cette intensité est générée en fonction de la mesure de déplacement du pendule.
Les trois capteurs courte-période enregistrent l’accélération du sol le long de leurs axes de sensibilité. Le mouvement d’une masse mobile est détecté par un capteur à détection synchrone. Pour étendre la bande passante, la masse mobile est verrouillée sur zéro grâce à la boucle de contre-réaction, qui agit sur un actionneur magnétique de type bobine-aimant. La boucle de contre-réaction contrôle le courant injecté dans la bobine, elle-même plongée dans un champ constant.
La structure de déploiement est composée d’un cadre portant trois pieds déployables et la sphère. Le support de la sphère doit assurer une inclinaison de ±18° à l’intérieur du lander. Deux approches sont envisagées pour le système de déploiement : un système cardanic (composé d’un anneau de cardan et de deux moteurs) et un système à trois axes (vis-écrous). Enfin, un système permet de faire descendre le sismomètre au sol.
Un logiciel parfait son fonctionnement. C’est l’un des logiciels qui sera exécuté sur l’ordinateur de bord du lander (CDMS). Il interagit avec le sismomètre et le lander afin de stocker les données dans la mémoire de masse et les communiquer à la terre.
Ses fonctions principales sont les suivantes :
*Assurer le bon état de fonctionnement de l’instrument
*Enregistrer les données sismiques
*Réaliser les traitements (compression)
*Gérer les Télécommandes (TC) reçues
*Renvoyer les données pertinentes par Télémesures (TM).
Le logiciel reçoit et interprète les commandes envoyées depuis le sol (TC). C’est lui qui déclenche le déploiement de l’instrument et permet toute la séquence d’installation (nivellement de la sphère, recentrage des sismomètres VBB) du sismomètre à la surface de Mars.
Une fois SEIS installé et prêt pour l’expérience de sismologie, le logiciel passe en mode opérationnel. Il a alors pour rôle la gestion de l’instrument et la récupération des données.
La gestion de l’instrument consiste à passer d’un mode à un autre pour ajuster le fonctionnement du sismomètre aux ressources disponibles (ex : mode « winter » lorsque la puissance électrique disponible est faible, ou mode « campaign » pour maximiser le retour scientifique lorsque cela est possible).
Pour récupérer les données, le logiciel effectue plusieurs tâches :
*L’enregistrement et la compression des mesures pour minimiser l’espace mémoire occupé
*La génération de « quick look data ». Ces données fortement compressées sont systématiquement envoyées vers la terre. Elles permettent de repérer les instants où se produisent des événements sismiques intéressants.
*Le renvoi (en télémesure) des mesures brutes (sans perte d’information) correspondant à des périodes choisies par les scientifiques
*La suppression des données inutiles
La complexité du logiciel de vol provient de l’automatisation de toutes les opérations sur le sismomètre, de la faible puissance électrique disponible et enfin du volume de données à stocker. En effet, la sismologie nécessite d’enregistrer des mesures en continu, du fait de l’impossibilité de prévoir à l’avance les séismes. Le volume de données ainsi enregistrées est donc bien supérieur aux capacités de transmissions entre Mars et la Terre.
En vidéo ci-dessous –> SEIS et la mission Insight