L’explosion des objets connectés marque notre quotidien, beaucoup d’objets de notre environnement devenant connectés (marché en croissance de +35% par an pour les bracelets). Cette évolution accompagne également la transformation des approches de santé, avec le développement de la médecine 4P (Préventive, Prédictive, Personnalisée, Participative) et la recherche de solutions centrées sur un patient de plus en plus impliqué.
Nous assistons à une double évolution. D’une part, des objets connectés, matériels et logiciels, développés au départ pour le sport et le bien-être, obtiennent le classement Dispositif Médical (DM), tel que tout récemment l’Apple Watch 4, qui mesure l’ ECG et propose une fonction d’alerte cardiaque. D’autre part, les DM, autrefois analogiques, sont aujourd’hui numériques et deviennent communicants. Ces DM, connectés au départ à un réseau propriétaire et à une plateforme dédiée, le sont maintenant via une liaison internet qui permet à l’utilisateur d’accéder directement aux applications et services qu’ils proposent.
Les DM connectés sont impliqués sur l’ensemble de la chaîne d’une solution de santé visant à prendre en charge un patient (prévention, diagnostic, thérapie, suivi thérapeutique). La première étape est la saisie d’informations par le patient et/ou l’équipe médicale, les smartphones et tablettes constituant un premier niveau de plateforme de recueil de données. A ces informations s’ajoutent désormais des données issues de biocapteurs connectés, portés par la personne ou placés dans son environnement.
Ces dispositifs fournissent, soit une mesure de paramètres physiologiques (poids, activité physique, rythme cardiaque, tension artérielle, mesure de SpO2 , etc.), soit une mesure de paramètres biologiques, issue d’un prélèvement (sang, urine, haleine, etc.). Le traitement de ces informations (associées aux connaissances biomédicales et des usages, traitées localement ou non) permet d’obtenir automatiquement (via des algorithmes d’intelligence artificielle) des marqueurs « numériques » utiles à la prise de décision et/ou à l’action thérapeutique.
Une information (alertes, conseils, consignes, prescriptions, etc.) pourra être renvoyée au patient, avec ou sans l’intervention de l’équipe médicale. Ainsi un système « boucle fermée » (ou closed-loop) est constitué, potentiellement une boucle de régulation, pour une optimisation des soins. Dans cette boucle de retour, les informations traitées peuvent être utilisées pour commander des effecteurs connectés, portés par le patient, voire implantés, tels qu’une pompe de délivrance d’un principe actif ou un stimulateur.
Les progrès technologiques (miniaturisation, automatisation, connectivité, capacités de calcul, etc.) sont constants, conduisant à la mise sur le marché de DM connectés, moins invasifs, plus sécurisés, plus intelligents et plus faciles d’usage. Quels sont les bénéfices réels pour le patient et pour les soignants ?
Comment ces nouveaux outils accompagnent la transformation de la médecine ? Nous retiendrons trois bénéfices principaux.
La capacité à réaliser des mesures physiologiques sur la personne dans la vie quotidienne et des analyses biologiques déportées (au lit du patient, à domicile, sur le terrain), grâce à des DM portés ou portables, et connectés, améliore l’accès à des informations de mesures médicales pertinentes et ainsi, la qualité de la réponse médicale.
Les DM connectés accompagnent le développement de la médecine ambulatoire, de l’hôpital au domicile. Ils participent à la réponse de santé pour les déserts médicaux et dans les pays émergents, sous-équipés en infrastructures de santé. Grâce à un diagnostic rapide, rendu possible sur le terrain d’intervention, ils sécurisent la médecine d’urgence.
Le manque d’observance (adéquation entre le comportement du patient et le traitement proposé) est la cause principale d’échec thérapeutique (30 à 50% des patients ne suivent pas leur traitement). La disponibilité de DM connectés, plus faciles d’usage grâce à une ergonomie optimisée, facilite l’observance.
La miniaturisation des DM, portés et implantables, permise par l’évolution des micro-technologies et de la microélectronique, améliore l’acceptabilité par le patient et son confort. De nombreux exemples marquent cette évolution, tels que les pacemakers, le passage du holter au patch cardiaque, la mesure de tension artérielle automatisée au poignet etc.
Pour certaines indications, la possibilité de suivre en continu un paramètre physiologique ou biologique ou, tout du moins, à une fréquence d’échantillonnage bien supérieure à celle permise par un suivi à l’hôpital ou chez le médecin traitant, est un réel changement pour la qualité du diagnostic, l’efficacité du traitement et la fiabilité du suivi thérapeutique.
Le « Graal » est de pouvoir assurer une régulation automatique du traitement, en continu, avec un dispositif de délivrance thérapeutique, asservie sur la mesure (embarquée et interprétée) d’un ou plusieurs paramètres. C’est notamment le cas de Diabeloop®, premier pancréas artificiel connecté et autonome qui régule en continu la glycémie des patients diabétiques de type 1.
La réussite du déploiement de ces nouvelles solutions de santé passera par la mise en place d’une vraie infrastructure de partage et d’échange de données médicales sur lesquels les DM connectés numériques et les outils d’analyse de données pourront se connecter. Cette infrastructure sera aussi essentielle pour une nouvelle pratique de la médecine, en parcours de soins coordonnés, autour du patient.
Pour préparer le futur, la R&D dans le domaine des DM connectés se développe dans trois directions principales :
*les évolutions technologiques. De nouveaux biomatériaux permettent de réaliser des dispositifs souples, collés sur la peau (patchs) ou déposés comme un tatouage, voire digérables ou encore intégrés dans des textiles. Une attention particulière est également portée sur la question de l’énergie (dispositifs basse consommation, télé-alimentation, batteries biocompatibles…) et celle de la sécurité (matérielle et logicielle) des informations et de leurs échanges.
*la modélisation du patient (avatar numérique). Intégrée au coeur du DM pour analyser les données, elle optimise la personnalisation du diagnostic et du traitement, et aide à l’éducation thérapeutique, pour une médecine de précision, plus efficace.
*l’intégration de données multiples, issues de capteurs physiologiques et /ou biologiques, associées aux données « omiques » du patient voire à des données environnementales (qualité de l’air…) mesurant son exposome.
Cet article est paru dans la revue du CEA « Clefs – les voix de la recherche ». Vous pouvez le retrouver dans le Clefs N° 67 téléchargeable en fin d’article. La préface a été écrite par Madame Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé.
Clefs CEA est une revue scientifique et technique qui fait le point sur de grands thèmes de recherche du CEA ou sur des thèmes transverses à ses différentes activités.
Cet article est l’oeuvre de:
Olivier Peyret (adjoint au directeur du CEA / Leti, en charge des activités santé)
Régis Guillemaud (adjoint au chef du Département des technologies pour la biologie et la santé au CEA / Leti)
En illustrations:
1.Le LabPad d’Avalun est un laboratoire de poche qui permet de réaliser à domicile, en centre de soins ou chez un professionnel de santé différentes mesures biologiques. Une mesure de temps de coagulation sanguine pour le suivi des patients chroniques sous anticoagulants est marquée CE et commercialisée. Une goutte de sang au doigt du patient suffit pour obtenir le résultat en quelques instants. En lien avec les laboratoires d’analyses biologiques et les professionnels de santé, le traitement du patient est ainsi adapté au plus juste et sans délai, diminuant ainsi le risque d’hémorragie.
Le principe du LabPad® repose sur une technologie avancée de microscopie optique utilisant un capteur CMOS, qui capte des motifs de diffraction de la lumière. Le CEA / Leti a développé un premier démonstrateur afin de suivre la dynamique cellulaire, et ainsi de mesurer le temps de coagulation. L’échantillon de sang est recueilli dans un dispositif plastique consommable de faible volume (moins de cinq microlitres) par des canaux microfluidiques, et contenant un réactif adapté. Le dispositif consommable est ensuite placé devant le capteur optique pour faire la mesure. La validation clinique a été réalisée avec le CHU Grenoble Alpes.
2.APNEAband est un dispositif à porter au poignet qui détecte les apnées du sommeil. Plus besoin de passer la nuit avec plusieurs capteurs attachés au corps ! Des capteurs embarqués dans le bracelet suivent divers paramètres physiologiques comme la fréquence cardiaque ou la saturation en oxygène du sang.
La combinaison de ces indicateurs par un traitement automatique permet au médecin d’établir son diagnostic. Le CEA / Leti, en collaboration avec le CHU Grenoble Alpes et l’Hospital Clínic de Barcelona, travaille à constituer une base de données, condition nécessaire pour mettre au point le logiciel de traitement. Ce dispositif portable, non invasif, associé à un algorithme automatique avancé de traitement du signal, facilitera l’accès au diagnostic de l’apnée du sommeil et le suivi de l’efficacité du traitement médical.
3.Diabeloop est le premier pancréas artificiel connecté, autonome. Régulant en continu la glycémie, il améliore sensiblement la qualité de vie des patients diabétiques de type 1. Il est constitué d’un capteur de glycémie en continu et d’une pompe patch miniature. Tous deux sont reliés par Bluetooth à un smartphone dédié dont les algorithmes calculent la dose d’insuline à injecter et transmettent l’information à la pompe, sans intervention du patient.
En parallèle, les données sont transmises à un service médical de suivi. La glycémie est beaucoup mieux régulée. Plusieurs études cliniques ont validé l’efficacité du pancréas artificiel. Le changement est majeur pour les patients, habitués à contrôler eux-mêmes leur glycémie et leur charge mentale considérablement allégée. Il leur faut simplement signaler au système leurs repas et leurs éventuelles activités sportives. Développé par le CERITD , avec une douzaine de CHU, en collaboration avec le CEA / Leti, ce dispositif marqué CE va être commercialisé par Diabeloop SAS
4.Madame Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé.
En vidéo ci-dessous –> Les ojbets connectés en santé et la plateforme Medical Hub de l’AP-HP.
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