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MUSE va scruter les galaxies très lointaines et les trous noirs

today6 septembre 2013 3

Arrière-plan
MUSE

Si nous connaissons aujourd’hui assez bien notre galaxie, cet ensemble d’une centaine de milliards d’étoiles qu’on appelle la Voie Lactée, nous ne savons ni comment elle s’est formée, ni qu’elle a été son histoire depuis sa naissance il y a environ 10 milliards d’années. Bien sur nous avons des idées, des modèles et nous savons même réaliser des simulations sur ordinateurs dont le résultat est très proche de notre galaxie telle que nous l’observons aujourd’hui.Mais c’est l’observation des jeunes galaxies, lorsque l’univers n’a que quelques centaines de millions d’années, qui permettra de trancher entre les différents modèles.

Observer les galaxies à plus de dix milliards d’années lumières est un véritable défi. En effet à de telles distances les galaxies sont en apparence minuscules et extraordinairement peu lumineuses.

Les télescopes géants comme le VLT avec ses miroirs de 8 mètres de diamètre ont un pouvoir collecteur 4 fois plus grand que la précédente génération de télescope. Mais malgré tout, ce n’est pas suffisant car à la faible luminosité des jeunes galaxies s’ajoutent les effets perturbateurs de l’atmosphère qui brouille le signal lumineux et finit par empêcher la détection.

Instrument de seconde génération destiné à l’ESO (Europeen Southern Observatory : Observatoire européen austral) , MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer)  se propose de relever ce défi en associant au VLT (Very Large Telescope) un instrument de très haute technologie basé sur le concept innovant de spectrographe intégral de champ.

Les jeunes galaxies sont formées de jeunes étoiles. Ces jeunes étoiles, dont nous pouvons observer quelques spécimens proches de nous, se caractérisent par une grande luminosité. Mais la lumière qu’elles émettent n’est pas répartie uniformément selon la longueur d’onde (ou couleur), elle se concentre dans quelques raies caractéristiques : ce sont les raies de l’atome d’hydrogène, l’élément les plus abondant de l’Univers et le constituant majoritaire des étoiles. Nous avons ainsi de bonnes raisons de penser que la lumière des jeunes galaxies est donc concentrée dans les quelques raies caractéristiques de l’atome d’hydrogène. Ainsi, si nous pouvions isoler ces raies, plutôt que de moyenner le signal sur un grand domaine de longueur d’onde comme on le fait habituellement, nous devrions gagner en sensibilité et donc détecter ces jeunes galaxies que nous recherchons.

Le moyen classique pour réaliser cette opération est d’utiliser un imageur muni d’un filtre très sélectif dont la bande passante est centrée sur la longueur d’onde de la raie d’hydrogène. Malheureusement ce n’est pas possible, car suite à l’effet Doppler-Fizeau, la lumière est décalée vers le rouge en fonction de la vitesse de la galaxie par rapport à nous. La raie de l’hydrogène est aussi décalée. Mais comme nous ne connaissons pas la vitesse de la galaxie qui dépend de la vitesse d’expansion de l’Univers et de la distance précise de la galaxie, nous sommes incapables de définir le bon filtre qui nous permettrait de détecter les galaxies que nous recherchons.

L’alternative serait d’utiliser un spectrographe. Un spectrographe décompose la lumière et l’observation du spectre de l’étoile ou de la galaxie permet tout de suite d’identifier les raies caractéristiques de l’hydrogène ionisé, même si celle-ci est décalée vers le rouge. Mais quand on utilise un spectrographe il faut placer la fente du spectrographe sur l’objet, il faut donc savoir à l’avance ou il se trouve.

Comment donc détecter ces fameuses jeunes galaxies si on ne sait ni ou elles se trouvent sur le ciel (là ou il faudrait mettre la fente du spectrographe) ni à quelle longueur d’onde précise se trouve la raie de l’hydrogène (là ou il faudrait centrer le filtre de notre imageur) ? La réponse se trouve dans le concept de spectrographe intégral de champ ou spectrographe 3D, ni imageur, ni spectrographe, mais les deux à la fois. Ce concept dont le Centre de Recherche Astrophysique de Lyon a été le fondateur, permet d’obtenir simultanément un spectre pour chacun des points du champ de vue. Grâce à un tel instrument il est alors possible d’explorer l’univers en 3 dimensions et de rechercher les jeunes galaxies quelque soit leurs localisation et leur distance.

L’instrument MUSE est donc basé sur ce concept, mais pour embrasser un champ aussi grand que possible, il utilise non pas un, mais 24 spectrographes 3D. Pour gagner en efficacité le découpage du champ est réalisé par une nouvelle technologie, le découpeur du champ ou slicer en anglais. Compte tenu de leur distance, les galaxies que nous recherchons seront très petites. MUSE va donc utiliser un système d’optique adaptative de nouvelle génération qui permet de corriger en temps réel des perturbations de l’atmosphère. Malgré toutes ces innovations, l’observation du ciel profond avec MUSE prendra jusqu’à une centaine d’heures avec l’un des plus grand télescope du monde qu’est le VLT. Les performances de MUSE permettront ainsi de détecter des galaxies qui sont 100 millions de fois moins lumineuse que les étoiles les plus faibles observables à l’œil nu. Il est refroidi à l’azote liquide et préservé de toute pollution, il mesure quatre mètres de haut, et est hérissé d’un entrelacs de tuyaux qui lui donnent des airs de Gorgone.

Ce projet ambitieux et unique au monde est porté par 7 grands laboratoires de recherche européens : le Centre de Recherche Astrophysique de Lyon (France) qui en est le pilote, le Centre Européen d’Astronomie (ESO), l’Observatoire de Leiden (Pays-Bas), le Laboratoire d’Astrophysique de Tarbes-Toulouse (France), l’Institut d’Astrophysique de Göttingen (Allemagne), le Laboratoire d’Astrophysique de l’Institut Polytechnique de Zurich (Suisse) et l’Observatoire de Potsdam (Allemagne).

Le consortium regroupe ainsi plus d’une centaine de chercheurs et d’ingénieurs couvrant toutes les spécialités nécessaires à la réalisation et à l’exploitation de l’instrument : optique, mécanique, électronique, cryogénie, traitement du signal, management, astrophysique instrumentale et théorique.

Commencé en 2004, l’instrument va donc partir sur le site du VLT au Chili (à 2600 métres d’altitude). A partir de maintenant le consortium partira en chasse des jeunes et lointaines galaxies avec pour objectif de répondre aux questions fondamentales de la genèse et de l’évolution des galaxies. Mais MUSE pourra servir à bien d’autres recherches en astrophysique. C’est ainsi que le consortium envisage également de l’utiliser pour étudier l’environnement des trous noirs géants qui trônent au cœur des galaxies ou pour étudier les populations d’étoiles dans les galaxies proches de la notre. Simultanément l’instrument sera ouvert à la communauté des astrophysiciens des pays membres de l’ESO qui pourront utiliser les performances exceptionnelles de l’instrument afin de tenter de répondre aux grandes interrogations de l’astrophysique moderne.

Écrit par: radio_pulsar

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