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Qu’est-ce que les mathématiques ?

today4 mai 2020 64

Arrière-plan
mathématiques et leurs formules - Radio Pulsar

Vladimir Arnold définissait ainsi les mathématiques avec humour : « Les mathématiques font partie de la physique. La physique est une science expérimentale, une des sciences naturelles. Les mathématiques, ce sont la partie de la physique où les expériences ne coûtent pas cher ». Malgré tout le respect dû à Arnold, cette définition est un peu réductrice : même si la physique théorique reste le principal pourvoyeur de problèmes mathématiques, d’autres sciences – dont la biologie et l’économie pour n’en citer que deux – peuvent légitiment prétendre avoir motivé des développements mathématiques importants. Réciproquement, on peut s’étonner de la place qu’ont pris les mathématiques dans toutes les sciences.

Galilée écrivait déjà en 1623 que le livre de l’Univers est écrit en langue mathématique.  Plus près de nous, en 1960, Eugène Wigner s’interrogeait sur  « L’efficacité déraisonnable des mathématiques dans les sciences de la nature ». À titre d’exemple, les équations de la dynamique de Newton, mathématiquement abstraites et proposées sur la base d’observations fort imprécises, s’avèrent au final décrire le système solaire avec une précision inouïe. Faut-il regretter que des mathématiques abstraites soient nécessaires pour décrire le monde, ou se réjouir et s’émerveiller qu’un tel outil simplement existe ?

Parmi toutes les activités humaines, les sciences en particulier, ce qui distingue les mathématiques est probablement la place exclusive donnée à la déduction pour reconnaître ce qui est vrai. Les autres sciences établissent des lois dont la base est expérimentale et qui reposent donc sur l’induction, même si la déduction joue un rôle central pour relier les lois entre elles. Les vérités du quotidien ont une assise encore plus fragile. En mathématiques, on part d’axiomes, et seul un raisonnement rigoureux est accepté pour en tirer les conséquences.

Cependant, même si un résultat n’est reconnu qu’après qu’une preuve (valide) en a été donnée, les mathématiciens accordent une grande valeur à l’intuition et certains mathématiciens sont reconnus au moins autant pour les outils et concepts radicalement nouveaux qu’ils ont inventés en reconnaissant intuitivement leur importance potentielle que pour les théorèmes qu’ils ont démontrés.

D’ailleurs, invente-t-on les concepts mathématiques ou faudrait-il plutôt parler de découverte ? Beaucoup de mathématiciens voient les mathématiques comme préexistantes et le mathématicien comme un explorateur. Mais les biologistes ont plutôt le sentiment qu’on invente les mathématiques. Cela a donné lieu à des débats passionnants et animés, comme celui qui a opposé le mathématicien Alain Connes et le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux.

Qu’on découvre ou qu’on invente les mathématiques, le consensus sur les règles logiques qui sous-tendent un raisonnement correct est mystérieux, peut-être d’ailleurs un mélange d’inné et d’acquis. Il y a, semble-t-il, des cas curieux de mathématiciens qui ont la logique chevillée au corps au sens propre du terme, au point de reconnaître qu’un raisonnement est bancal non par une activité consciente mais par le fait de ressentir involontairement un malaise physique. Peut-être un tel phénomène est-il lié au système nerveux entérique dont on réalise depuis quelques années l’importance cruciale dans d’autres domaines inattendus…

Toujours est-il qu’en principe toute personne de bonne volonté peut vérifier une preuve mathématique. En principe, car en pratique suivre un raisonnement long – une preuve de quelques dizaines de pages, heureusement structurée en général par des résultats intermédiaires, est monnaie courante – nécessite des qualités spécifiques : nous sommes tous ou presque capables de rouler à vélo, mais peu nombreux à pouvoir s’aligner sur le Tour de France, et de ce point de vue, le mathématicien est un sportif de haut niveau dans sa capacité à forger ou à vérifier une preuve.

Les mathématiciens ont d’ailleurs leurs médailles, la plus prestigieuse étant la médaille Fields, attribuée tous les quatre ans à des mathématiciens de moins de quarante ans. La moisson de la France ferait pâlir toutes nos fédérations sportives. Les mathématiques ont aussi en commun avec le sport de haut niveau que l’absorption de certains produits peut augmenter leurs performances. Le taux de caféine présent chez nombre de chercheurs dépasse de très loin la simple tasse quotidienne, et certains n’hésitent pas à aller plus loin, comme le mathématicien hongrois Paul Erdös qui vécut toute sa vie d’adulte en prenant des stimulants à haute dose.

On peut encore voir les mathématiques comme une géographie et ce que nous en avons établi comme une cartographie primitive où les chemins sont les démonstrations. Dans ce monde, chacun est capable de faire un pas, mais seul le mathématicien, doué d’un sens de l’orientation aigu, est à même d’entreprendre de grands voyages sans se perdre presque immédiatement.

Les mathématiques ont une longue et riche histoire, et sont marquées par des traditions : on peut parler d’Écoles mathématiques, caractérisées par des thèmes de prédilection ou des approches spécifiques. Ainsi l’École italienne du début du XX e siècle est-elle dominée par la géométrie algébrique. L’École mathématique russe, à l’image de la citation de Vladimir Arnold, se caractérisait par sa grande culture en physique et par sa tendance à aller du particulier au général. Il était naturel que la physique théorique, même si elle ne prétend pas à la rigueur absolue, soit hébergée dans des laboratoires de mathématiques.

Rien de tel en France, terre natale de Bourbaki, où dans un passé pas si lointain d’une part un mathématicien pouvait s’enorgueillir de tout ignorer des autres sciences, d’autre part il fallait viser la généralité avant tout. Les deux approches (et d’autres à travers le monde) ont produit des résultats de tout premier plan. Il faut donc se réjouir de la biodiversité du monde mathématique, même si elle produit parfois des chimères : il y eut aussi une École aryenne, minimisant notamment la nécessité des preuves.

La grande majorité de nos concitoyens n’a de souvenir des mathématiques que de quelques algorithmes comme ceux des opérations élémentaires, et il semble exagéré de dire que lorsqu’il leur arrive de les mettre en œuvre ils font des mathématiques, en particulier parce que ces algorithmes sont des procédures que l’on peut appliquer mécaniquement sans même être conscient de leur sens. Il ne faut pas le regretter : en faisant gagner du temps et en libérant l’esprit, le passage de la manipulation directe et consciente du sens à la formalisation de règles mécaniques est une des voies royales du progrès en mathématiques.

Mais, même si nous ne sommes guère acteurs de mathématiques au quotidien, nous en sommes, souvent à notre insu, des consommateurs boulimiques : les mathématiques sont partout ! Depuis les algorithmes de cryptage qui sécurisent nos transactions bancaires, jusqu’aux codes correcteurs d’erreurs qui assurent la qualité de la réception des images et du son comme celle du stockage des données, que le data mining permet ensuite d’exploiter.

Les mathématiques financières ont transformé les pratiques bancaires et les théories de la représentation proportionnelle sont là pour garantir que les élections européennes donnent à chaque électeur de l’Union le même pouvoir de décision. Et un livre entier est consacré aux bijoux mathématiques qui se cachent dans la série « Les Simpson ». Voilà pour quelques exemples.

« Une fois qu’on sait compter, additionner et multiplier, que peut-il bien rester à découvrir ? ». C’est un fait que chaque avancée scientifique nous confronte à l’inconnu, et il ne semble pas que les nouveaux problèmes mathématiques, ni leurs applications pratiques d’ailleurs, s’épuisent avec le temps qui passe. Mais on peut néanmoins prendre la question au sérieux sous au moins trois angles.

D’abord, et même si les mathématiques ne se résument pas à cela, loin s’en faut, les avatars des notions d’addition et de multiplication sont au cœur des mathématiques. Certes, pour le non expert, ces nouvelles incarnations des opérations élémentaires ne seraient pas faciles à reconnaître, mais pour parler familièrement, c’est fou les types d’objets mathématiques qu’on peut additionner ou multiplier. On n’en arrive jamais à additionner choux et carottes néanmoins…

Ensuite, il est bien connu qu’il y a trois sortes de mathématiciens, ceux qui savent compter et les autres… L’histoire est riche d’exemples de mathématiciens qui avaient une familiarité inouïe avec les nombres : Leonhard Euler, Karl-Friedrich Gauss et Srinivasa Ramanujan pour n’en citer que trois.

Mais il ne suffit pas, loin s’en faut, d’être un calculateur prodige pour être mathématicien. À l’autre extrémité du spectre, certains mathématiciens de premier plan ont la coquetterie d’évoquer leur incapacité à faire une règle de trois… Enfin, même avec des entiers et des opérations simples, on peut poser des questions très difficiles. Le problème de Syracuse* en est un exemple fameux.

Extrait de l’article écrit par Michel Bauer, chercheur à l’Institut de physique théorique, unité mixte CEA / CNRS, de Saclay. Cet article est paru dans le revue CLEFS CEA n° 70 visible en fin d’article.

LE PROBLÈME DE SYRACUSE
Partant d’un entier on peut en obtenir un autre de la manière suivante : si l’entier initial est pair, on le divise par 2 mais s’il est impair on le multiplie par 3 et on y ajoute 1.
Par exemple, partant de 7, qui est impair, on obtient 3×7+1=22. Quoi de plus simple ?
Si l’on fait la même chose à 22, qui est pair, on obtient 22÷2=11. Le nombre 11 est impair, et la même règle mène à 3×11+1=34.

Le problème de Syracuse est le suivant : que se passe-t-il si, partant d’un entier quelconque, on applique la règle encore et encore ?
Dans notre exemple, on obtient :
7 –> 22 –> 11 –> 34 –> 17 –> 52 –> 26 –> 13 –> 40 –> 20 –> 10 –> 5 –> 16 –> 8 –> 4 –> 2 –> 1 –> 4 –> 2 –> 1 –> 4 –> 2 –> 1 –> 4 …
et on finit par être piégé pour toujours dans le cycle de longueur trois 4 –> 2 –> 1 –> 4.

Ce problème, « Est-ce que, de quelque entier que l’on parte, on finit toujours par retomber sur le cycle 4 –> 2 –> 1 –> 4 ? » , a été posé, en 1928, par le mathématicien Lothar Collatz. Malgré l’apparente simplicité de la question, qui a excité maints mathématiciens, la réponse n’est toujours pas connue. Nul besoin d’aller très loin, donc, pour trouver des problèmes ouverts !

CEA : Vers de nouvelles découvertes!

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Écrit par: radio_pulsar

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